MENS SANO IN CORPORE SANO!?

Publié le par Myriam

                Le culte du corps.

 

Il ne se passe de jour, sans que par la presse, la radio, la télévision, on ne parle du corps. Ce culte du corps s’exprime sous diverses formes : les publicités multiples et répétitives mettant en scène la valeur de tel ou tel produit cosmétique, nutritif, vestimentaire susceptible de rendre notre corps beau, de le garder jeune, de le rendre séduisant. Aujourd’hui, tout le monde se doit d’être « jeune et beau » : aussi ne lésine-t-on pas sur les moyens pour rendre le message publicitaire aussi efficace et direct que possible, en présentant, dans des séquences courtes mais bien ciblées, des jeunes personnes pour illustrer l’efficacité des produits à vendre. Un analyse objective de telles publicités révèle leur caractère basique qui frise souvent le ridicule : on peut en effet se demander si les jeunes personnes présentées ne seraient pas tout aussi belles, de manière naturelle, sans devoir se servir des produits dont on fait la publicité ! L’attribut de la jeunesse n’est-il d’être « naturellement » beau ? Quand on est jeune, on est, à quelques rares exceptions, toujours beau. C’est là, justement, le privilège de la jeunesse ! Nul produit cosmétique, à ce jour, n’est parvenu à rendre à un visage disgracieux  des proportions parfaites ! Dans cette perspective, il faudrait recourir à la chirurgie esthétique ! Mais nous savons tous que la publicité est un savoir-faire qui n’hésite devant aucun stratagème, ne recule devant aucun mensonge pour être efficace, sa fonction première étant de « faire vendre ».  Etre « beau et séduisant » pour s’affirmer et pour séduire, est une aspiration humaine bien légitime. Il suffit donc de convaincre que, par un « coup de baguette magique », en l’occurrence l’utilisation du produit proposé à l’achat, on peut facilement arriver à réaliser ce rêve qui sommeille en toute âme humaine... Et si le produit annoncé dans la publicité est onéreux, peu importe, puisque plus rien n’a de prix quand il s’agit de son propre corps.  Aussi le sublime mannequin présenté et censé illustrer l’efficacité du produit présenté ajoute-t-il souvent, d’une voix suave, la remarque que tout le monde connaît : « parce que je le vaux bien !... »

     Nous trouvons, dans un tout autre registre, la célébration du corps, dans tous les évènements sportifs. Des athlètes beaux, forts, performants tiennent des millions de gens en haleine. Journellement des évènements sportifs de tous genres sont relatés à longueur de journée à la radio, présentés à la télévision. Dans certaines disciplines les vedettes que sont devenues aujourd’hui les champions sportifs sont devenues de véritables « produits commerciaux » susceptibles d’être « achetés » à coups de millions d’euros ! Nous sommes bien loin des compétitions sportives tenues dans la Grèce antique lors des jeux olympiques où les vainqueurs étaient gratifiés d’une couronne éphémère posée sur leur tête ! Nous ne ferons certes pas ici, le procès du sport qui est une discipline d’effort et de dépassement. Mais là encore, si nous sommes capables d’un jugement vraiment raisonné et objectif, nous pourrons mesurer les dérives issues d’une vision exclusivement matérialiste des êtres et des évènements.

      Beaucoup d’enthousiastes du sport proclament leur certitude quant à la valeur exemplaire et unique de cette discipline, en reprenant à leur compte une vieille maxime latine, « un esprit sain dans un corps sain », en faisant valoir que pour « être bien dans sa tête, il faut commencer par être bien dans son corps ». A partir de là, on pense que le culte du corps est un préalable pour arriver à un bon équilibre mental. Et il est indéniable que pratiquer un sport est très bénéfique à tout être humain. Cette vision des choses a cependant ses limites. La chronique des faits divers démontre, hélas, que pratiquer un sport ou aimer le sport n’est point une barrière à la violence ou à la criminalité. Le sport, à lui seul, ne suffit pas à équilibrer un être humain. Si, aujourd’hui le pouvoir public est obligé, lors des matchs, d’envoyer des légions d’agents de l’ordre pour pallier à des affrontements violents, on ne saurait affirmer que « le sport adoucit les mœurs » ! Et cette constatation vaut aussi bien pour les sportifs eux-mêmes, que pour les spectateurs. Il semble donc que cultiver son corps est, certes, bénéfique, mais ne suffit pas toujours à assurer l’équilibre physique et mental de l’individu. La maxime latine serait-elle erronée ? Ou est-elle mal comprise ?

      Revenons à cette maxime pour en analyser la teneur véritable. « Mens sana in corpore sano » (traduit par « esprit sain – ou parfois par âme saine - dans un corps sain) est une maxime du poète romain Juvénal qui a vécu de 90 à 127 de notre ère.  Si nous replaçons cependant la maxime dans son véritable contexte, elle prend un autre sens : en effet, Juvénal dit en substance : orandum est, ut sit mens sana in corpore sano,   ce qui signifie : il faut prier afin d’obtenir un esprit sain dans un corps sain. On remarquera donc que ces vers ont été, aujourd’hui, détournés de leur sens pour signifier que la santé du corps est la condition première de la santé de l’esprit ! Voilà un symptôme de la vision déformée que l’on a souvent aujourd’hui, de ce que voulait dire Juvénal. On aura aussi remarqué, par une lecture plus attentive, que l’on emploie aujourd’hui d’une manière indifférenciée les notions « d’esprit » et « d’âme ». Cela vient du fait qu’au cours des siècles, à mesure que la société a glissé de plus en plus vers une vision matérialiste des êtres et des évènements, les notions d’esprit et d’âme n’ont plus été comprises dans leur sens véritable, mais uniquement comme des « sous-produits » de la matière, c.à d. du corps physique. Ce dernier est, sous cette optique, la seule réalité. C’est lui qui permet à l’être humain d’exister, de ressentir, de penser : il devient dès lors primordial d’y attacher la plus grande importance. La réalité nous démontrant aussi le fait, que le corps s’inscrit dans le temps, vu que tout être humain naît et meurt, il devient évident que la vie est essentielle et par là, inestimable. Il convient donc de tout mettre en œuvre pour la préserver. Le vieillissement corporel étant le signe extérieur de la limite imposée à la vie physique, il convient de retarder  si possible à long terme, voire de vaincre la mort, d’éradiquer les maladies et ses conséquences funestes. La seule perspective d’espoir, dans la vision matérialiste, se résume finalement à « croire » aux progrès de la science et à l’accès à l’éternelle jeunesse, à une sorte d’immortalité terrestre, grâce aux progrès incessants de la science. Un rêve porté par biens des générations d’êtres humains. Mais l’être humain se réduit-il à son corps physique ? Pour la majorité du monde scientifique, la réponse est claire et sans appel : oui ! Et cela est tout à fait logique dans une société qui est l’expression d’un « Saint-Thomas » qui ne « croit que ce qu’il voit, ce qu’il peut toucher ». Le domaine de la science actuelle est celui du tangible qui peut être l’objet de l’étude et de l’expérimentation directe. Cette vision des choses répond à celle définie en son temps par E. Kant. Il n’y a de réalité scientifique que celle attachée au monde matériel. Tout le reste est subjectif, non scientifique, du domaine de la croyance, de la foi, de la superstition. On aura compris que toute forme de vision non matérialiste, donc spirituelle, est exclue. Chez les savants de « l’ère des Lumières », la spiritualité n’était pas absente des sciences. Leur curiosité s’attachait encore, dans leur esprit, à « découvrir les mystères que Dieu avait inscrits dans les arcanes de la nature ». Il était impensable que la multiplicité et la complexité des « miracles de la nature » n’aient comme origine qu’un « anonyme big bang » ! Ce n’est que par la suite, que les scientifiques ont glissé peu à peu dans un nouveau dogmatisme qui a pris le relais du dogmatisme religieux : il n’y a de réalité que le monde matériel et de science que celle fondée sur ce dernier.

      Ce faisant, une grande partie de la société occidentale a glissé dans une perception fluctuante et sans cesse paradoxale des êtres et des évènements, perceptions tissées de constantes contradictions. En effet, la vie quotidienne nous démontre à souhait, que l’être humain est extrêmement complexe : le réduire à sa seule dimension physique, fonctionnelle, c’est en même temps lui enlever son caractère essentiel d’individualité. La science, telle qu’elle est aujourd’hui, réduit l’être humain à n’être qu’une variante d’une catégorie définie. Elle le nivelle à n’être qu’une unité parmi d’autres qui lui ressemblent. La science ne peut démontrer la valeur unique, individuelle et irremplaçable de chaque être humain. Pour elle, cela ne peut se concevoir que sous une vision « non-scientifique », du domaine de l’affectif ou de la simple croyance.

      Une conséquence de cette vision, est qu’elle ne peut que « formater l’individu » en le réduisant à un aspect égalitaire. Tous les êtres humains présentent les mêmes « composants » sous des aspects physiques variés. Comment comprendre dès lors que « l’être génial » a des attributs différents du commun des mortels ? La science ne pourra répondre à cette question qu’en disant, par ex. que ces individus ont un cerveau plus développé que les autres…Or, cette réponse est-elle vraiment valable…ou relative ? Le véritable mystère ne réside-t-il pas dans ce qui n’est pas directement tangible ?

   Le grand penseur et visionnaire Rudolf Steiner s’est penché durant toute sa vie sur ces problèmes et a exposé les dangers et limites de la vision matérialiste des êtres et des évènements. En étudiant ses nombreuses conférences qui sont aujourd’hui traduites et accessibles à tous, on mesure l’urgence qu’il y a, de découvrir cette œuvre immense. Il expose clairement, que, pour comprendre l’homme, il faut le percevoir non seulement avec un corps physique, mais essentiellement avec une âme et un esprit. C’est par sa pensée que l’être humain peut élargir son horizon de connaissance, comprendre la nature de la pensée et sa propre nature, accéder à la réponse du « connais-toi toi-même » qui était inscrit sur les temples grecs. Cette ouverture à l’esprit sera une nourriture pour sa vie intérieure, son âme, et lui permettra d’évoluer dans sa perception, sa compréhension du sens de sa vie, de sa vocation humaine, de son devenir. Le grand mérite de Rudolf Steiner fut d’inaugurer, pour combler les lacunes et les vides laissés par une science exclusivement matérialiste, une « science spirituelle » aussi rigoureuse que la science officielle mais proposant une vision complète des êtres et des évènements.

     Le monde chaotique dans lequel nous vivons, est, dans une large mesure, le résultat de la vision matérialiste et unilatérale, avec toutes les conséquences que représentent les affrontements, les guerre directes ou déguisées, la déshumanisation. Les archaïsmes culturels, le fanatisme religieux, la course au profit, la concurrence sauvage, le non-respect de la nature, de la terre dont nous sommes dépendants, sont autant de risques pour les êtres humains. Une société d’humains focalisés sur leur seul aspect physique et bien-être matériel ne répond pas à la véritable vocation humaine, si elle oublie de cultiver avant tout leur esprit et leur âme, qui définissent leur originalité, leur individualité. Le jour où les médias seront au service de cette tâche et où les êtres humains attacheront une égale importance à apporter un soin particulier à cultiver et entretenir leur esprit et leur âme, la société humaine aura franchi un pas de géant et le monde aura changé radicalement. Une pure utopie, un rêve ? Tout dépend en définitif de chacun de nous….  

Publié dans Echange d'idées

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